Tél. : 06 22 41 48 80 – E-mail : chantaljamet@yahoo.fr  – Chantal JAMET, Médiateure – Chemin du Grand Pinée 83440 CALLIAN

Chantal JAMET

Médiation

 

MEDIATEURE Près la Cour d'Appel, agréée FFCM, CNMA, Avocate honoraire,

Formatrice certifiée QUALIOPI

Adoptez le réflexe "Médiation"!

Professionnalisation du métier de médiateur ?

par | Mar 8, 2023 | 0 commentaires

Ce sujet interroge depuis des années et j’ai commencé la rédaction de cet article avec des idées que je croyais précises. Devant les avis aussi divers que variés, j’ai remis en question mes certitudes et j’ai commencé par chercher des définitions de ces différents « mots » aussi divers que les définitions et les acceptions que s’en font les auteurs qui ont abordé ce sujet ou les simples médiateurs qui, comme moi, se posent des questions sur le devenir de ce que je continue d’appeler un « métier » et qui tend à devenir une profession.

I – METIER, PROFESSION, PROFESSIONNALISME, PROFESSIONNEL PROFESSIONNALITE ?

Selon Raymond BOURDONCLE, la profession est le plus souvent considérée comme une « activité rémunérée et régulière, exercée pour gagner sa vie ».

Ce serait, selon cette approche, à la fois une source de revenus, la recherche d’un statut social, d’une position sociale plus ou moins prestigieuse et/ou d’une reconnaissance de la valeur apportée par son action de médiateur.

Cette conception nécessite certaines qualités pour exercer ce métier, d’acquérir les connaissances et les compétences, les savoirs spécifiques pour l’exercer. L’on deviendrait alors un professionnel, d’une discipline, en faisant preuve d’un professionnalisme spécifique à cette activité.

Ce métier, tendant vers une reconnaissance d’un statut particulier, au niveau d’un groupe de personnes, d’un Etat, les personnes, exerçant un même métier, cherchant les moyens de se faire reconnaître officiellement dans une branche d’activité ou dans une activité exercée essentiellement dans un but lucratif, ouvrirait la voie à l’institutionnalisation de la profession en lui donnant le même caractère pérenne qu’une institution publique.

Il est à noter qu’est apparue, plus récemment via les pays anglo-saxons, le terme de professionnalité, (profesionnality) qui recouvre l’ensemble des compétences professionnelles nécessaires à l’exercice d’un métier.

Ces mots, aussi divers et variés que leurs définitions ou leurs acceptions, ont ouvert la voie, chez certains auteurs, à des interprétations permettant de mettre en avant leurs avis concernant des voies aussi divergentes que la professionnalisation de la profession au risque d’institutionnaliser la médiation ou le choix de la liberté ouvrant la voie à des dérives pouvant discréditer la médiation elle-même ou encore le chemin d’une voie moyenne entre ces deux possibilités.

Ceci fait apparaître schématiquement plusieurs courants :

– l’un en faveur du bénévolat, comme l’exerçaient dans les années 80 les « femmes relais », corollaire de la liberté totale d’exercer la médiation selon sa personnalité, ses savoirs, son savoir faire et son savoir être, faisant de la médiation une auberge espagnole où chacun apporte sa pitance, ses ingrédients, son « art de faire ». La médiation étant par essence libre, la liberté totale de l’exercer devrait être son pendant logique au risque de ne pas se former à la médiation ;

– un deuxième, en faveur d’une régulation, d’une institutionnalisation de la médiation, lié au désir de voir reconnaître la profession de médiateur sous l’égide de l’Etat, avec un diplôme d’Etat et un Ordre régulier, similaire à l’ordre des médecins, des avocats… régulant la médiation que certains ne comprennent ni la place, ni l’utilité, la considérant comme une concurrente de leur métier (avocat, magistrat, travailleur social, éducateur, conciliateur…), cherchant à créer des monopoles ;

– un troisième courant, qui serait une voie moyenne, permettrait à la fois au médiateur de bénéficier d’une institutionnalisation à la marge sous le forme d’une réglementation, d’une reconnaissance de son métier par l’Etat tout en gardant cette liberté d’agir, d’exercer, d’aller ou pas en médiation… qui est le coeur de la médiation d’essence libérale (médiation conventionnelle).

En quelques trente ans, une évolution s’est faite. La guerre entre gratuité et payant a laissé place au paiement des médiations, la gratuité pouvant être exercée par les médiateurs qui le souhaitent. Le règlement du travail du médiateur étant devenu la règle, la recherche d’un monopole est apparue. Et les batailles intestines qui l’accompagnent…

II – De la profession au risque d’institutionnalisation :

Raymond BOURDONCLE (2000) distingue au moins cinq objets déterminants de la professionnalisation pur qu’elle puisse apparaître : l’activité, le groupe qui l’exerce nécessitant la création d’une association professionnelle, un code de déontologie, des savoirs, des personnes qui exercent ce métier.
Il mentionne Claude DUBAR qui évoque à ce titre la construction d’une identité liée à la profession avec des caractéristiques à la fois de compétences et de qualités personnelles à l’individu exerçant ce métier. Il fait correspondre cela à une dynamique de socialisation professionnelle qui s’accompagne d’une cinquième forme de professionnalisation, celle de la formation. Le but de cette formation étant de rendre les individus capables d’exercer une activité économique déterminée.

Selon lui, l’intention de professionnalisation s’insère ainsi dans un jeu de régulations sociales.

Au travers de différentes revendications de certains groupes de médiateurs, la recherche de reconnaissance et/ou de légitimité au plan national apparaît très forte, regroupant des personnes qui souhaitent devenir médiateur pour trouver outre des revenus, la reconnaissance d’un statut social.

En France, écrit Richard WITTORSKI, « les enjeux portés par les organisations ne concernent pas la constitution des professions dans l’espace social, mais (…) l’intention d’accompagner la flexibilité du travail, la modification continue des compétences en lien avec l’évolution des situations de travail». C’est sans doute l’approche qui me paraît la plus proche de la réalité avec celle de Patrick SCHMOLL, du moins en France.

Dans La professionnalisation de la médiation : définitions et perspectives (1998), Patrick SCHMOLL considère que « Conjoncturellement, les traductions économiques de la crise de société que nous traversons mettent en exergue … le désengagement de l’État dans des domaines dont il ne peut plus assumer le coût .. ., chez nous mais encore plus dans les pays en difficulté, provoque une résurgence des liens sociaux traditionnels : la famille redevient une valeur sûre, mais aussi l’allégeance aux petits féodaux de village ou de quartier, qui redeviennent, pour le meilleur et pour le pire, des tiers sollicitables.

Comment envisager l’évolution de ce champ qui oscille entre des axes exprimant des choix :
– la médiation doit-elle rester une pratique sociale spontanée ou doit-elle se professionnaliser ?
– le médiateur doit-il être nommé par l’institution ou relever du libre choix des parties ?
– la médiation doit-elle être à la seule charge des parties ou doit-on envisager un financement partiel par la collectivité ?… ».

Il en déduit, comme certains d’auteurs : une réglementation de la profession, formule plus souple et plus efficace que la désignation simple du médiateur par l’autorité (médiation institutionnelle); plutôt qu’une réglementation de l’exercice lui-même, qui aboutirait à des monopoles du type des professions “à ordre” (experts-comptables, avocats, etc.)….

Face à la demande croissante de médiation, la question de la professionnalisation de cette activité se pose de façon de plus en plus prégnante. L’absolue nécessité d’une formation des médiateurs se précise et devient un sujet central. Il en conclut que : Le second enjeu de la médiation passe par l’institutionnalisation de cette activité, par la création d’organisations nationales professionnelles et la recherche de modes de financement, pour assurer la pérennité des projets de médiation…

L’auteur poursuit : En France, le Centre national de la médiation s’est donné comme but de regrouper l’ensemble des praticiens ou organisations de médiation générale.

Se pose une autre question : la médiation est-elle une profession à part entière ou une activité accessoire ? Pourquoi choisir ? La médiation est considérée comme un espace de liberté et tout un chacun ne l’est-il pas dans le respect de la déontologie ?

III – La médiation est-elle une activité professionnelle ou un état d’être, l’ensemble de savoirs, de savoir-faire et d’un savoir-être ?

Ne serait-elle pas un art ? L’art d’être soi pour permettre aux participants de mieux s’écouter au travers de l’exemple, du mimétisme qu’induit ce tiers en les incitant à s’écouter, à comprendre que l’autre peut avoir une perception différente de la sienne, bien au-delà de techniques de communication bien apprises ?
Sylvain PASQUIER et Julien REMY résument la situation qui, de la professionnalisation, du risque d’institutionnalisation à la professionnalité, conduit au professionnalisme et à la garantie d’autonomie offerte par le tissu associatif qui sous-tend la Médiation et les médiateurs :

« Arrivés à ce point, l’articulation des problèmes posés par les spécificités de la personnalisation de l’activité des médiateurs avec ceux de leur « professionnalisation » et de l’institutionnalisation de leur pratique, peut trouver un éclaircissement. Il peut sembler qu’ils détiennent une certaine maîtrise d’une activité que, manifestement, d’autres ne peuvent faire à leur place. En outre, le flou des missions, en imposant aux agents de créer leurs propres règles, pourrait apparaître comme source d’autonomie et donc comme gage de professionnalisation. Mais il est clair, également, que cette personnalisation, de plus en plus forte dans « ces professionnalités de la relation », en faisant écho aux idéaux d’ « authenticité », de réalisation de soi et « d’affirmation de la vie ordinaire » (TAYLOR, 1998), prive les personnes de protections statutaires collectives et risque de les enfermer dans une identité professionnelle et personnelle surdéterminée. Le problème n’est donc pas tant celui de la personnalisation en soi de la profession mais celui d’une impossible ré-appropriation d’une identité professionnelle qui colle à l’identité personnelle. C’est pourquoi la « professionnalisation » des médiateurs mérite certainement d’être pensée dans les termes d’un « professionnalisme » entendu comme une « troisième logique » devant s’imposer contre le Janus à deux faces du « marché dérégulé » et de la « bureaucratie » (FREIDSON, 2001, p. 3). De ce point de vue, ce professionnalisme, et plus particulièrement sa dimension éthique, ne doit pas être à la seule charge des personnes. Il engage aussi la responsabilité des institutions qui doivent assumer « leur statut éthique » propre… ».

« Dans cette perspective institutionnelle et dans celle d’un professionnalisme à construire, on peut se demander si ce n’est pas le cadre associatif qui offre, aujourd’hui, les meilleurs gages d’une autonomie à gagner face à une demande publique et à la logique du privé. Il est certainement celui qui peut répondre au mieux, et non dans l’idéal, à la nécessité de développer une éthique professionnelle qui ne se réduise pas à la pratique. Les associations peuvent en effet occuper « un espace laissé vacant par le marché et l’État » (LAVILLE & SAINSAULIEU, 1997, p. 42) et permettre de formaliser et d’inscrire dans la sphère publique ce qui relève de la recherche d’un bien commun à partir de problèmes vécus personnellement (Laville & Sainsaulieu, 1997, p. 66). »…

Le métier de médiateur doit il se professionnaliser pour mettre en exergue ses savoirs, ses savoir-faire et savoir être ? Le milieu associatif arrimé à une solide formation n’est-il pas le moyen le plus approprié pour être reconnus comme des professionnels du métier de médiateur ?

Pour cela, il est nécessaire aussi de donner à ce métier un code de déontologie centré sur la seule déontologie, sans autre amalgame, au confluent de ces savoirs, savoir faire, savoir être et, comme l’ajoute le Cheikh Khaled BENTOUNES, « savoir dire ».

La médiation est pour moi le futur d’une justice plus proche du vivant. Elle est « une » et ses diverses applications doivent suivre une ligne directrice commune afin de ne pas la dévoyer, lui faire perdre son âme.

La nécessité d’une formation, « tronc commun général » identique pour tous les médiateurs, toutes les applications de la médiation, apparaît aujourd’hui indispensable.

Forte des expériences et propositions de plus anciens que moi dans la profession, dans la Fédération Française des Centres de Médiation, de l’existence de diplômes d’Etat et universitaires, je me suis laissée aller à définir les éléments qui me semblent essentiels pour dessiner les contours d’un référentiel de la formation du médiateur qui permettrait à chacun d’être confiant dans les bases sur lesquelles il va développer « sa » médiation, avec la création d’un tronc commun ou formation générale du médiateur (voir un autre article que je suis en train de re-écrire…).

Ce tronc commun permettra aussi aux conseils, avocats, aidants, qui ne souhaitent pas être médiateurs, de savoir assister efficacement leur « client » au cours d’une médiation quelle qu’en soit l’application.